Plusieurs années-lumières au loin de Néphelaï, deux mois avant le départ de Diasosi, une lueur pourpe traversait la façade cristalline du siège de l'ODS. Le soleil commençait à peine à décliner à l'horizon, mais derrière les hauteurs vertigineuses des grattes-ciel de New York, il y avait très peu de distinction entre une fin d'après-midi et un début de soirée.

Dans l'un des étages les plus bas du dit bâtiment gouvernemental, en fermant les yeux et en se concentrant sur son sens de l'ouïe, on pouvait vaguement distinguer une voix étouffée et furieuse en provenance d'une porte close au visuel des plus banal. Derrière cette porte, se trouvait une pièce au croisement entre un bureau de travail et un placard à papier. Deux chaises de fortunes tenaient miraculeusement debout sous le poids des deux hommes qui étaient en train de discuter autour d'un bureau sommaire.

- Ils ont piqué ma sucette, ok ? Ne me donne pas ce regard. C'est très sérieux comme sujet. Il est question de dicter la loi et de ne pas se faire marcher dessus par des nerds en blouse de laboratoire.

Blond, à la stature athlétique, l'homme qui venait d'interjecter face à l'indifférence de son interlocuteur était assit du côté intérieur de la pièce et pressait ardemment du doigt contre le bureau afin d'accentuer l'effet de ses propos. Le regard froissé, il continuait à fixer des yeux l'homme qui lui faisait face l'invitant à prononcer un jugement favorable qui commençait à se faire attendre.

Cependant, avant même d'avoir une chance d'ouvrir la bouche, la porte d'entrée grinça désagréablement dans son dos, brisant le fil de ses pensées.

Un visage préoccupé pointa du nez à l'intérieur de la pièce de 5 mètres carré. Il lui fallu bien deux secondes entières avant de lever le regard en direction des deux individus qui lui faisaient face.

- Oh... Hum. Euh... Désolé, je pense que je me suis trompé de bureau.

Les deux hommes inspectèrent silencieusement l'homme d'âge moyen qui leur faisait face, incarnation idyllique de l'employé de bureau, ventre à bière et lunette de vue incluses. Ce dernier, sentant la pression du regard des deux inconnus qui occupaient les lieux, se retira promptement sans demander son reste. Une fois à l'extérieur du bureau, il retira maladroitement ses lunettes afin d'essuyer de la main la sueur qui s'était amassée sur son front avant de se tourner une énième fois pour faire face à la porte qu'il venait tout juste de clore.

- Mais... C'est bien mon bureau ici ?

De l'autre côté de la porte, Alex fixait le vide d'un regard alambiqué avant de tourner le cou vers son compagnon à la tignasse dorée.

- Tu peux m'expliquer l'histoire avec ta sucette une deuxième fois ?

Le blond se racla la gorge en réponse à la question qui lui fut posée. Il prit une posture plus confortable avant de reprendre son histoire depuis le début, laissant une voix étouffée s'échapper de nouveau de la pièce.

Écoutant attentivement l'histoire de son camarade à la teignasse blonde, Alex hocha de la tête d'un air intrigué. Il savait pertinemment que son acolyte omettait des détails importants dans son histoire, la dépeignant sous un angle qui lui était favorable. Mais, c'était tout à son crédit de pouvoir rendre aussi intéressante une histoire qui pouvait être résumé en deux phrases : J'ai été convoqué au bureau des ressources humaines. Ils ont confisqués la sucette que j'avais dans ma bouche.

Pourtant son histoire avait durée pratiquement 15 minutes maintenant et il ne s'en lassait toujours pas.

- Ok, je vois. Du coup, j'imagine que si tu me raconte tout ça, c'est parce que tu as un plan. Passons à cette partie-là de l'histoire maintenant.

C'est à ce moment-là que leur discussion fut de nouveau interrompue par un grincement plus vif de la porte d'entrée. Cette fois-ci un type plus musclé que le dernier leur faisait face. La sécurité était enfin venu disperser leur rebellion songeait-il pendant un instant, avant d'être remis sur la bonne voie en écoutant l'histoire du nouveau venu.

- Beldina III n'est rien comparé à la jungle moderne, mon pote. Bureaucratie et urbanisme sont les termes qui me donnent des cauchemards la nuit.

- C'est à en croire qu'ils perdront leur boulot s'ils simplifient le processus... Tout compte fait, je pense que je viens de répondre à la question la plus importante de notre ère.

Le regard tout à fait sérieux, Alex tournait le visage des deux côtés d'un air illuminé. Il était tombé dans le mille ou il était tombé dans le mille ?

- Pour ce qui est des rapports, il me semble que les ressources humaines s'occupent de ça. Il faudra juste trouver le bon auditeur pour signer ton dossier.

- Je ne pense pas que les militaires passent par ce processus. Il me semble que tant que le responsable du groupe a autorisé le dépot, alors il suffit de le rendre au seizième étage.

Il avait déposé plus d'un dossier depuis le temps et il n'avait jamais eut à faire de détour pour collecter des signatures avant de se débarasser de ses dossiers. Le processus devait être différent pour les autres divisions.

Persuadé d'avoir répondu de manière définitive à la question du nouveau venu, Alex fut surpris de constater que son acolyte à la chevelure blonde s'était agressivement levé de sa chaise pour prendre la parole à voix haute.

- Ehhh, le seizième étage. Mais, c'est là où ces deux enflures ont dit qu'ils allaient déposer ma sucette.

Dans un effort d'éviter d'attirer l'attention sur eux plus que nécessaire, Alex enchaina rapidement d'un mouvement de bras signalant à son compagnon de se calmer.

- Ok, ok. Mais, pourquoi est-ce que tu cries ?

- Parce que la sécurité est là. Lâcha-t'il en pointant du doigt deux mollosses à l'air agité qui arrivaient dans le dos du nouveau venu.