La première mission avait été intense pour Clément. Sitôt réveillé, il s’était retrouvé projeté dans un nouvel environnement avec lequel il avait dû composer. Les balises avaient finalement été installées, mais il n’avait brillé ni pour son charisme ni pour ses compétences physiques auprès du groupe. En fait, il avait passé son temps à grommeler et à manquer de se casser la gueule. Alors, il avait essayé de se rattraper tant bien que mal sur la fin de mission, mais il fallait bien avouer qu’il n’avait pas été particulièrement glorieux.

De retour dans la navette, il sentit un immense gargouillement s’échapper de son corps. Oups… Peut-être faudrait-il s’intéresser à la cuisine ? Non parce que rien de tel qu’un bon repas pour se remettre de ses émotions ! Et puis… Il avait carrément pas envie de bouffer ces affreuses rations. On lui avait dit que l’aire de restauration était bien aménagée, qu’il y avait des robots capables de cuisiner de putains de plats, un cellier réfrigéré et qu’il pourrait même cuisiner par lui-même… s’il était capable de cuisiner.

Bah oui parce qu’en tant que fils de riches, il avait plutôt été habitué aux plats du chef de la maison. Il était gourmet, mais incapable de se rappeler qu’il fallait mettre à bouillir l’eau pour cuire des pâtes. Bref il était une sacrée catastrophe…

Lorsqu’il arriva dans le lieu, il vit deux bras mécaniques qui ne demandaient qu’à s’activer. Il se mit à étudier un peu plus ce qu’il se passait, se penchant sur l’écran de contrôle pour essayer de comprendre comment mettre tout ça en place.
Bien évidemment, comme il n’était pas super doué là-dedans, il fut vite obligé de se rendre compte qu’il ne comprenait rien à ce qu’il se passait devant lui. Aussitôt, il haussa la voix, cherchant de l’aide autour de lui :

- Euuuuh… Excusez-moi !? Est-ce que quelqu’un sait si cette foutue machine a un manuel ?

Non parce qu’on ne pouvait tout de même pas les obliger à avoir bac+45 en électronique pour comprendre comment cette machine fonctionnait, quoi ! Il devait bien y avoir un bout de papier ou un tuto informatisé ou quelque chose pour leur faire comprendre comment ce bidule devait s’activer.
Et en désespoir de cause, il s’adressa à la machine :

- Siri, fais-moi des pâtes à la carbonara ! Cortana ? Machine ? S’il-te-plaît ?

Bon… On était pas sortis de l’auberge, là…

Spoiler:

Summer pousse un soupir, elle sent la fatigue poindre après cette première journée. Une exploration dans une zone inconnue puis une discussion avec Delta, pas de temps pour l’ennui. Alors qu’elle se dirige vers son compartiment, ses pas la conduisent à passer à proximité du réfectoire et des éclats de voix la font ralentir. Elle reconnait cette voix et intriguée elle pénètre dans la pièce. Le spectacle qu’elle voit lui arrache un rire.

- Je ne suis pas certaine qu’elle va te répondre Clément, fait-elle remarquer sur un ton enjoué bien que teinté de fatigue. Elle s’approche de lui. Alors c’est quoi le problème ?

Elle se tourne vers la machine et constate qu’elle est arrêtée. Une situation non concevable si l’on souhaite manger autres choses que des rations peu ragoutantes.

- Hum… C’est bien embêtant. Voyons voir ça. La médecin observe la machine avec attention ainsi que les alentours pour tâcher de trouver une notice ou des indications qui permettraient de mettre la machine en route. Alors tu veux des pâtes à la carbonara ? Tu es friand de pâtes ?

Summer interroge Clément, après tout ils ont commencé à faire connaissance lors de l’exploration et la situation actuelle est plus propice à des sujets plus légers que ceux abordés au cours de la mission précédente.

Spoiler:

Clément commençait sérieusement à perdre patience. Foutue machine compliquée. Pourquoi fallait-il un bac+25 en machine dès qu’on voulait utiliser quoi que ce soit ? De son retour de mission, il avait passé 15 bonnes minutes à essayer de comprendre comment utiliser les toilettes. Il avait finalement trouvé le mécanisme en pestant et, affamé par tous ces efforts intellectuels, il s’était mis en quête de nourriture. Voilà maintenant qu’un nouveau problème épineux se présentait à lui.

- Mais c’est pas possible ! Pourquoi ils ont passé leur temps à nous faire cavaler partout comme des chiens et qu’aucun de ces génies n’a pensé à nous expliquer comment utiliser ces machines de merde ?

En bon râleur, Clément s’était énervé en quelques secondes à peine. Il tenta de reprendre son souffle en se rendant compte que Summer était à ses côtés et lui adressa un sourire maladroit. Oups, elle allait vraiment le prendre pour un boulet ! Mais non, l’adorable Summer, fidèle à elle-même, venait à sa rescousse, dans sa combinaison flamboyante… Non, bon, il allait un peu loin. Et elle l’avait même plus, sa combinaison. Elle était même plutôt jolie en-dessous, remarqua-t-il.
Lorsqu’elle lui demanda ce qu’il se passait, le jeune homme désigna la machine impie d’un geste courroucé et s’exclama :

- Cette foutue machine refuse de fonctionner ! On est censés faire quoi ? Faire la danse de la nourriture ? J’en ai ras-le-cul de bouffer des rations lyophilisées ! Je veux de la nourriture compacte, de la vraie !

Avec la fatigue et la frustration, il était déjà à bout et ça se sentait. Il avait envie d’attraper l’appareil et de le jeter par terre en hurlant de rage. Mais bon… La machine était lourde et ça ne les avancerait pas des masses. Aussi, il fit comme son psy lui avait appris à faire pour gérer ses angoisses. De looooongues inspirations et de longues expirations. La cohérence cardiaque, que ça s’appelait. Petit à petit, il sentit son cœur battre moins vite dans ses tempes et ses idées devenir plus claires.

- Euh… Les pâtes ?

Il fut surpris par la question de Summer. Il avait dit ça un peu au hasard, mais il se reprit vite.

- Je t’avoue que c’est le premier plat consistant qui m’est venu à l’esprit. Bien manger, c’est important pour l’épanouissement. Surtout dans l’espace. Alors plutôt que des rations lyophilisées et insipides, j’aurais préféré manger un bon plat de pâtes. Et toi, qu’est-ce qui te ferait rêver ?

Summer, en bonne scientifique, était en train d’observer la machine sous toutes les coutures. Il se pencha au-dessus d’elle lorsqu’elle s’occupa de lire une étiquette et vit l’espèce de notice entre ses mains.

- Oh, Summer, tu gères !

Donc ils n’étaient pas si crétins que ça… Il y avait une notice pour faire fonctionner la machine. Il tendit la main :

- Tu permets ?

Et, impatient, il l’attrapa avant de pousser un long soupir excédé :

- C’est en allemand !!! Ils sont cons ou quoi ? C’est quoi leur but ? Nous rendre chèvre ? C’est une sorte d’expérience sociale ? Il y a des caméras ici ? BANDE DE CONNARDS !

Et voilà que la moutarde lui montait déjà au nez.

- Tu parles allemand, toi ? Moi j’ai pris espagnol en LV2 et russe en LV3… Je serai infoutu de comprendre un mot de cette langue de barbares…

Summer écoute Clément se plaindre de la machine récalcitrante qui refuse de fonctionner. Elle hoche la tête, étant d’accord avec le biologiste sur le fait que les rations lyophilisées vont un temps mais qu’elles ne remplacent pas la vraie nourriture. Elle perçoit l’agacement et certainement la fatigue de son interlocuteur à travers ses propos. Elle le voit prendre de profondes inspirations pour se calmer, ce qu’il parvient à faire lorsqu’il évoque les pâtes. Apparemment, c’est le premier plat qui lui a traversé l’esprit, d’ailleurs, il lui retourne la question. Summer se fait pensive.

- Un bon hamburger avec un steak bien moelleux et une bonne platée de frites.

Rien que d’y penser, elle en salive d’avance, mais elle doute qu’elle puisse en manger dès à présent. Alors elle se met à la recherche d’une notice ou d’éléments leur permettant de faire fonctionner la machine. Elle voit une étiquette sur la machine, rien qui les fasse avancer. Puis avec un sourire triomphal, elle met à la main sur la notice.

- Et voilà ! Clément lui demande la permission de regarder. Bien entendu, dit-elle avec un sourire. Mais la réaction du scientifique la fait déchanter. Une moue fugace traverse son visage lorsqu’il s’énerve et se montre injurieux. Ok, calme-toi voyons voir ça. Elle récupère la notice et la pose sur la table. Je n’ai pas fait allemand mais on doit pouvoir traduire des choses avec le PID.

Summer ouvre la première page à la recherche d’icone, espérant trouver celle qui matérialise le marche-arrêt. Elle tombe sur un tableau avec divers symboles, alors elle entreprend de traduire ce qu’elle peut avec le PID.

- Ein- und Ausschalten apparemment, ce serait le bouton marche-arrêt. C’est déjà ça. Elle remarque un dessin avec des sortes de volutes. Heizung… Elle regarde son PID. Chauffage… On avance, mais pour l’instant ça ne nous dit pas comment confectionner un plat.

Elle soupire car procéder à une traduction de l’ensemble de la notice allait être fastidieux.

Spoiler:

Clément ne put retenir un sourire amusé lorsque la doctoresse lui confia le plat de ses rêves. Il la taquina :

- Tu aurais pas des origines anglophones, toi ? Américaine ou anglaise ?

Non parce qu’elle aurait pu conclure en lui disant qu’elle voulait un litre de coca frais avec ça qu’on aurait été pas loin du bon cliché, là ! M’enfin, il ne pouvait pas vraiment se moquer. Après les émotions de leur première mission et être resté autant de temps cryogénisé, lui aussi rêvait d’une nourriture bien consistante qui tiendrait au corps. Sérieusement, déjà qu’il avait plutôt le physique d’une crevette, il était persuadé d’avoir perdu quelques kilos durant le voyage et de ressembler désormais à une crevette lyophilisée. Pas très glam, hein ? Pas moyen de draguer comme ça !

Ok, ok, c’était pas le but de leur mission, de draguer, mais fallait avouer que c’était important. Il avait lu un article super intéressant sur les bénéfices du sexe dans l’espace. Ils vivraient pas mal de pression et sans vouloir jouer aux casanovas, Clément ne serait pas contre une petite idylle. Il avait l’impression que le joug de ses parents ne pesait plus sur ses épaules ici et il rêvait de liberté près d’un beau garçon. Enfin bon… Il était clairement en train de se déconcentrer, là, et son ventre le lui rappela à grands renforts de gargouillements. Manger, ça serait une plutôt bonne option, là, tout de suite, maintenant ! Après, il verrait pour la mission et… le reste restait superflu.

Alors, il se concentra sur la machine. Tout du moins, il essaya, mais c’était peine perdue. Il ne voyait pas comment ce foutu truc était censé fonctionner et il avait beau se creuser la cervelle, il n’allait pas pouvoir inventer une solution sans avoir au minimum des indications. Ils auraient clairement eu besoin de quelqu’un de compétent, genre le bel informaticien, par exemple. Qu’est-ce qu’une doctoresse et un biologiste foutaient à essayer de se prendre la tête avec un robot ?

Quand Summer trouva la notice et qu’ils remarquèrent qu’elle était en allemand, Clément manqua de péter un gros boulon. C’était franchement n’importe quoi ! Ils étaient cons ou quoi ? L’anglais était la langue internationale à l’ODS, qu’est-ce qu’une notice en allemand foutait là ? Il comprit rapidement que Summer n’avait pas plus de compétence que lui en allemand. Seulement voilà, au lieu de péter un câble comme lui et de s’énerver, elle restait calme et cherchait des solutions. Aussi, quand il la vit essayer, il poussa un long soupir, inspira pour se calmer et tenta de l’imiter.

- Bon… On sait déjà comment allumer et faire chauffer la machine. On peut essayer. Peut-être que lorsque ce sera prêt, un écran va nous proposer différents menus ou qu’on aura d’autres indications au fur et à mesure ?

Il appuya sur le bouton « ON » et chercha la fameuse fonction de chauffage. OK… et OK ! Et maintenant ? Est-ce qu’il se passait quelque chose ? Il attend quelques secondes… pour enfin se rendre à l’évidence : rien ne se passait.

- Euh… ça marche pas !

Il lança un regard plein de détresse à l’attention de Summer. Est-ce que la machine était branchée, au moins ?

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A l’énoncé du plat qu’elle aimerait manger, Clément fait une supposition sur ses origines et les nationalités évoquées font rire légèrement Summer.

- C’est si frappant que ça ? effectivement, j’ai des origines anglaises mais également françaises. J’aurai peut-être du dire bœuf bourguignon ?

La médecin se montre taquine envers le biologiste, un peu de légèreté ne fait pas de mal après cette journée harassante. Puis ils se concentrent sur la machine et sa notice. Les premières traductions sont encourageantes et semblent calmer l’humeur râleuse de Clément. Mais rien ne se passe quand il appuie sur les boutons. Summer regarde la machine pendant quelques secondes, se demandant l’origine de la panne. Puis elle se penche, vérifie les câblages qui semblent être correctement connectés, revient sur le cadran. Se fiant uniquement aux icones, elle commence à bidouiller le système et s’agace devant le manque de réaction du robot.

- Bon, ça suffit. Elle prend une profonde inspiration. Delta ! Est-ce que tu peux vérifier le bon fonctionnement des appareils pour la nourriture s'il te plait ? @Néphelaï  

Au moins, en questionnant l’IA elle pourra leur dire si le robot est alimenté correctement ou bien défectueux. Et si elle pouvait le mettre en marche au passage ce serait bien.

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Clément se mit à rire à la plaisanterie de la jeune femme. Il aurait pu se sentir gêné parce que c’était vrai qu’il venait de lancer une grosse banalité, voire un cliché, mais l’humour de la demoiselle était bien trop ravissant pour prendre la mouche.

– Mrpf. C’est vrai que dit comme ça ! Ou tu aurais pu dire des crêpes ! Miam, j’ai envie de crêpes maintenant…

Son estomac se mit à grogner furieusement. Bon sang qu’il avait faim, mais hors de question de céder à la facilité et d’avaler une autre de ces rations lyophilisées ! L’IA ne réagit pas à l’énervement de Summer. Sans doute était-elle programmée pour ne pas s’exprimer quand elle sentait des tensions ? Clément n’en savait rien, mais il posa une main sur l’épaule de la jolie brune en souriant.

– Bon… On respire !

C’était aussi pour lui et son tempérament explosif qu’il disait ça.

– Et maintenant qu’on a respiré, on va imaginer qu’on est une machine et comment on pourrait fonctionner !

Il commença à appuyer sur des boutons un peu au hasard et réalisa qu’un écran s’allumait.

– OK, visiblement, je ne m’y prends pas si mal ! Là, il y a des options. Si seulement on pouvait mettre ça en anglais…

Soudain, un message qui ressemblait à une alerte de sécurité apparut à l’écran :

– Qu’est-ce que c’est que ça, encore ??

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Summer rigole lorsque le biologiste évoque des crêpes tout en reconnaissant qu’il a usé de stéréotypes. Il n’a pas tort, la moindre évocation de nourriture donne envie de la manger, comme en atteste les gargouillements de son estomac. La fatigue a incité Summer à faire appel à Delta pour gagner du temps. L’IA répond favorablement à sa demande mais avant qu’elle n’arrive, Clément s’arme de patience et incite à la jeune femme à faire de même et il parvient à allumer le système. La médecin ne peut s’empêcher de sautiller de satisfaction jusqu’à ce que son camarade râle après un message d’alerte. Fort heureusement, la voix de Delta s’élève qui s’enquiert de ce qui à motiver sa venue.

- Et bien, Clément a réussi à allumer le robot mais nous sommes bloqués par la langue utilisée. Est-ce que tu peux le basculer en anglais et le paramétrer pour qu’on puisse l’utiliser facilement ?

Ce serait tellement plus simple. Ainsi ils pourraient profiter d’une nourriture plus goûteuse que les sachets et ils pourraient aller se coucher après cette journée bien chargée.

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